Avez-vous déjà entendu parler des noix de coco les plus longues du monde? On les trouve dans les îles de Polynésie et de Mélanésie. Ces variétés ont été spécialement sélectionnées pour l'utilisation des fibres de la bourre (enveloppe du fruit), qui servaient à faire de la corde. Dans l’ancien temps, les pirogues en bois étaient fabriquées sans utiliser de clous, en attachant les planches avec ce type de corde. Ces cocotiers sont connus en Polynésie française sous les appellations Nape, Puru, ou Rau.
La plupart des variétés de cocotier peuvent être utilisés
pour les fibres de la bourre, qui ont un grand nombre d'utilisations:
fabrication de cordes, de paillassons, de géotextiles, de matériau support pour
la culture hors sol, de récipients biodégradables pour l'horticulture...En
2010, la Chine utilisait la bourre de coco pour la confection de matelas, l'Inde
et le Sri Lanka, les plus gros producteurs mondiaux de fibre de coco, n'arrivaient
pas à honorer les commandes chinoises. Les variétés de type Nape fournissent
les fibres les plus longues.
Conservation et diffusion
A l’heure actuelle, le Grand
Polynésie Nape n’est conservé dans aucune collection. Cette variété est en voie
de disparition. Il en existe probablement moins d’un millier de cocotiers en Polynésie
française, disséminés dans les plantations destinées à la production de coprah,
et plus ou moins mélangés aux autres variétés. Dans les champs des
agriculteurs, Il n’existe pas à notre connaissance de plantation où sont
regroupés plus de deux ou trois cocotiers de ce type. Des variétés voisines
existent à Samoa, Tonga et Fidji.
A Samoa, les variétés de cocotier
ont été répertoriées par Christophersen en 1935. Ce dernier décrit son
« spécimen n°3612 », sous le nom de Niu ’afa, comme : « fruits
gros, longs et relativement étroits dont l'enveloppe est privilégiée pour la
fabrication de corde ('afa). »
A Tonga, des cocotiers similaires appelés ‘Niu Kafa’, dont disséminés
dans les cocoteraies et les villages des îles de Tongatapu et Vavau ;
leurs fruits sont cependant plus petits qu’à Samoa. En 1963 à Fidji, McPaul a
identifié 6 variétés locales dont l’une était « Niu Ni Magimagi »,
décrit comme un cocotier Grand produisant de gros fruits allongés avec une
enveloppe épaisse. Nous avons observé et photographié toutes ces variétés qui,
à l’exception de la couleur du fruit, semblent proches des Grand Nape de Polynésie
française.
En 1978, Feu le botaniste Hugh Harries a développé en une
théorie sur l'évolution et la dissémination du cocotier. Il a utilisé le nom «
Niu Kafa » pour décrire un cocotier dit « sauvage »: l'évolution
naturelle et la dissémination par flottage aurait produit une variété aux
fruits gros, longs, anguleux, à coque épaisse et à germination lente ; la
sélection humaine aurait produit une variété à fruits sphériques, pas
nécessairement plus grande mais avec une amande plus lourde, une épaisseur de
coque réduite, une germination plus précoce et une résistance à certaines maladies.
Cependant, à notre avis, les énormes fruits actuellement connus sous le nom de
"Niu Afa" à Samoa, Niu Kafa aux Tonga, Magimagi aux Fidji et Nape au
Fenua ne sont pas des types sauvages mais bien des variétés créées par les insulaires
pour l'utilisation de la bourre. Peut être qu’elles ont été sélectionnées à
partir d’un type archaïque sauvage, mais cela reste à démontrer.
Comment l’identifier ?
Les cocotiers Nape
produisent des fruits de grande taille, beaucoup plus longs que larges, et
présentant une proportion importante de bourre. Les plus grands fruits
atteignent 40 cm de long. La majorité des cocotiers Grand Nape produit des
fruits de couleur brune. Les formes vertes sont beaucoup plus rares. A
l’intérieur du fruit, les noix sont généralement de taille moyenne, d’une forme
ronde ou légèrement ovale. Cependant certains cocotiers produisent des noix
beaucoup plus allongées, pointues aux deux bouts (voir le fruit de droite sur
la planche variétale). Il semble donc qu’il existe au moins deux types, qui
pourraient correspondre à des variétés proches mais sélectionnée
indépendamment. La forme aux noix pointues ressemble plus à celles que l’on
rencontre ailleurs en Polynésie.
A Samoa, Tonga et au
Fidji, les variétés similaires sont toujours de couleur verte, et présentent
souvent un stipe (tronc) plus fin et moins rectiligne, avec un bulbe basal peu
marqué. Les plus longs fruits atteignent 45 cm de long.
Production et rendement
Ces cocotiers sont essentiellement utilisés pour les longues
et solides fibres de leur bourre. Ils sont parfois consommés comme noix à boire
ou encore pour faire du lait de coco ou du coprah, mais il ne s’agit pas de
leur finalité première. Les cocotiers Nape produisent généralement un nombre moyen
de gros fruits, de l’ordre de 40 à 70 par an en moyenne selon les conditions. A
Taha’ a, les fruits observés pesaient 2.5 kg avec une bourre d’environ 1.5 kg
et une amande d’environ 500 g. A Anaa, les fruits étaient moins lourds, 2 à 2.2
kg. A Makemo, l’amande pesait 450 g.
Références
Bourdeix R.,
Tuia V., Fili M., Kumar V. 2002. Coconut varieties of "Niu Kafa"
Cogent Newsletter, 5 p. 14-15.
Bourdeix R.,
P. Batugal, J.T. Oliver and M.L.C. George. 2010. Catalogue of Conserved Coconut
Germplasm. Bioversity International, Serdang, Malaysia. 399 p. Disponible
en ligne à l’adresse: http://www.cogentnetwork.org/index.php/conserved-germplasm-catalogue.
Christophersen,
E. (1935). Flowering plants of Samoa. Honolulu: Bernice P. Bishop Museum.
Harries,
H. C. (1978). The evolution, dissemination and classification of Cocos nucifera
L. The botanical review, 44(3), 265-319.
McPaul,
J. W. (1963). Coconut growing in Fiji (No. 38). Department of Agriculture,
Fiji.
L'unique cocotier de type "Nape" identifié sur l'île de Raiatea (-16.852497, -151.479603) |