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32. Grand Polynésie Nape utilisés pour les fibres de la bourre

Par R. Bourdeix, 2006 et 2019.

Avez-vous déjà entendu parler des noix de coco les plus longues du monde? On les trouve dans les îles de Polynésie et de Mélanésie. Ces variétés ont été spécialement sélectionnées pour l'utilisation des fibres de la bourre (enveloppe du fruit), qui servaient à faire de la corde. Dans l’ancien temps, les pirogues en bois étaient fabriquées sans utiliser de clous, en attachant les planches avec ce type de corde. Ces cocotiers sont connus en Polynésie française sous les appellations Nape, Puru, ou Rau.

La plupart des variétés de cocotier peuvent être utilisés pour les fibres de la bourre, qui ont un grand nombre d'utilisations: fabrication de cordes, de paillassons, de géotextiles, de matériau support pour la culture hors sol, de récipients biodégradables pour l'horticulture...En 2010, la Chine utilisait la bourre de coco pour la confection de matelas, l'Inde et le Sri Lanka, les plus gros producteurs mondiaux de fibre de coco, n'arrivaient pas à honorer les commandes chinoises. Les variétés de type Nape fournissent les fibres les plus longues.

Conservation et diffusion

A l’heure actuelle, le Grand Polynésie Nape n’est conservé dans aucune collection. Cette variété est en voie de disparition. Il en existe probablement moins d’un millier de cocotiers en Polynésie française, disséminés dans les plantations destinées à la production de coprah, et plus ou moins mélangés aux autres variétés. Dans les champs des agriculteurs, Il n’existe pas à notre connaissance de plantation où sont regroupés plus de deux ou trois cocotiers de ce type. Des variétés voisines existent à Samoa, Tonga et Fidji.

Analyse des fruits des cocotiers de la collection d’Olomanu, dont le Grand Niu Afa, à Samoa en 2001. Cette collection est maintenant détruite et non remplacée (en 2021), le terrain ayant été récupéré par le gouvernement pour d’autres activités. © R. Bourdeix, 2021.


Origine et histoire

A Samoa, les variétés de cocotier ont été répertoriées par Christophersen en 1935. Ce dernier décrit son « spécimen n°3612 », sous le nom de Niu ’afa, comme : « fruits gros, longs et relativement étroits dont l'enveloppe est privilégiée pour la fabrication de corde ('afa). »

A Tonga, des cocotiers similaires appelés ‘Niu Kafa’, dont disséminés dans les cocoteraies et les villages des îles de Tongatapu et Vavau ; leurs fruits sont cependant plus petits qu’à Samoa. En 1963 à Fidji, McPaul a identifié 6 variétés locales dont l’une était « Niu Ni Magimagi », décrit comme un cocotier Grand produisant de gros fruits allongés avec une enveloppe épaisse. Nous avons observé et photographié toutes ces variétés qui, à l’exception de la couleur du fruit, semblent proches des Grand Nape de Polynésie française.

En 1978, Feu le botaniste Hugh Harries a développé en une théorie sur l'évolution et la dissémination du cocotier. Il a utilisé le nom « Niu Kafa » pour décrire un cocotier dit « sauvage »: l'évolution naturelle et la dissémination par flottage aurait produit une variété aux fruits gros, longs, anguleux, à coque épaisse et à germination lente ; la sélection humaine aurait produit une variété à fruits sphériques, pas nécessairement plus grande mais avec une amande plus lourde, une épaisseur de coque réduite, une germination plus précoce et une résistance à certaines maladies. Cependant, à notre avis, les énormes fruits actuellement connus sous le nom de "Niu Afa" à Samoa, Niu Kafa aux Tonga, Magimagi aux Fidji et Nape au Fenua ne sont pas des types sauvages mais bien des variétés créées par les insulaires pour l'utilisation de la bourre. Peut être qu’elles ont été sélectionnées à partir d’un type archaïque sauvage, mais cela reste à démontrer.

Comment l’identifier ?

Les cocotiers Nape produisent des fruits de grande taille, beaucoup plus longs que larges, et présentant une proportion importante de bourre. Les plus grands fruits atteignent 40 cm de long. La majorité des cocotiers Grand Nape produit des fruits de couleur brune. Les formes vertes sont beaucoup plus rares. A l’intérieur du fruit, les noix sont généralement de taille moyenne, d’une forme ronde ou légèrement ovale. Cependant certains cocotiers produisent des noix beaucoup plus allongées, pointues aux deux bouts (voir le fruit de droite sur la planche variétale). Il semble donc qu’il existe au moins deux types, qui pourraient correspondre à des variétés proches mais sélectionnée indépendamment. La forme aux noix pointues ressemble plus à celles que l’on rencontre ailleurs en Polynésie.

A Samoa, Tonga et au Fidji, les variétés similaires sont toujours de couleur verte, et présentent souvent un stipe (tronc) plus fin et moins rectiligne, avec un bulbe basal peu marqué. Les plus longs fruits atteignent 45 cm de long.

Production et rendement

Ces cocotiers sont essentiellement utilisés pour les longues et solides fibres de leur bourre. Ils sont parfois consommés comme noix à boire ou encore pour faire du lait de coco ou du coprah, mais il ne s’agit pas de leur finalité première. Les cocotiers Nape produisent généralement un nombre moyen de gros fruits, de l’ordre de 40 à 70 par an en moyenne selon les conditions. A Taha’ a, les fruits observés pesaient 2.5 kg avec une bourre d’environ 1.5 kg et une amande d’environ 500 g. A Anaa, les fruits étaient moins lourds, 2 à 2.2 kg. A Makemo, l’amande pesait 450 g.

A Moorea, Mme Hinano Murphy nous a parlé d'un artisan créateur de bijoux mêlant fibre de coco et perles noires, qui dit reconnaître des qualités différentes de fibres selon les cocotiers : la plupart des fibres présentent des barbes qui les rendent irrégulières, quelques rares cocotiers ont des fibres parfaitement lisses et de meilleure qualité.  Il semble donc qu'il existe des différences non seulement pour la longueur des fibres mais aussi pour leur qualité. Il serait intéressant de caractériser ces différences de fibres d’un point de vue variétal, technologique et scientifique; et bien sur de reproduire et sauvegarder ces cocotiers Nape à fibre lisse.

De gauche à droite : photographies de douze fruits des variétés Niu Ni Magimagi (Fidji), Niu afa (Samoa), Niu Kafa (Tonga). Ces images sont à comparer avec celle présentée sur la planche variétale du Grand Nape de Polynésie française. © R. Bourdeix, 2001 et 2005. 


Références

Bourdeix R., Tuia V., Fili M., Kumar V. 2002. Coconut varieties of "Niu Kafa" Cogent Newsletter, 5 p. 14-15.

Bourdeix R., P. Batugal, J.T. Oliver and M.L.C. George. 2010. Catalogue of Conserved Coconut Germplasm. Bioversity International, Serdang, Malaysia. 399 p. Disponible en ligne à l’adresse: http://www.cogentnetwork.org/index.php/conserved-germplasm-catalogue.

Christophersen, E. (1935). Flowering plants of Samoa. Honolulu: Bernice P. Bishop Museum.

Harries, H. C. (1978). The evolution, dissemination and classification of Cocos nucifera L. The botanical review, 44(3), 265-319.

McPaul, J. W. (1963). Coconut growing in Fiji (No. 38). Department of Agriculture, Fiji.




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La plupart des variétés de cocotier peuvent être utilisés pour les fibres de la bourre, qui ont un très grand nombre d'utilisation: fabrication de cordes, de géo-textiles, de récipients écologiques bio-dégradables pour l'horticulture... La Chine utilise la bourre de Coco pour la confection de matelas: en 2010, l'Inde et le Sri Lanka, les plus gros producteurs mondiaux de fibre de coco, n'arrivaient pas à honorer les commandes considérables de fibres de coco réalisées par la Chine.


L'unique cocotier de type "Nape"
identifié sur l'île de Raiatea
(-16.852497, -151.479603)
Les Polynésiens ont développé des variétés spécialement conçues pour l'utilisation des fibres de la bourre. Les "champions" dans ce domaine sont les Samoan, avec leur célèbre variété Niu afa.
Ces cocotiers, connus en Polynésie Française sous les appelations Nape, Puru, ou Rau-‘aha regroupent plusieurs variétés polynésiennes spécialement sélectionnées pour faire des cordes avec les fibres de la bourre (enveloppe du fruit). Certaines de ces variétés présentent les plus grands fruits. De forme allongée, ils peuvent atteindre 45 centimètres de long. La bourre contient des fibres longues et résistantes.
Quelques cocotiers de ce type ont été retrouvés sur l'atoll de Tetiaroa mais leur fruits présentaient une couleur brune alors que tous les Niu Afa des Samoa sont verts. Tout ce que nous avons observé rn 2006 en Polynésie Française résultait d'un mélange variétal et d'une décomposition liée à la phase d'industrialisation de la culture du cocotier pour la production de coprah.
A Moorea, Mme Hinano Murphy nous a parlé d'un artisan créateur de bijoux mêlant fibre de coco et perles noires, qui dit reconnaître des qualités différentes de fibres selon les cocotiers : la plupart des fibres présentent des barbes qui les rendent irrégulières, quelques rares cocotiers ont des fibres parfaitement lisses et de meilleure qualité. 
Il semble donc qu'il existe des différences non seulement pour la longueur des fibres mais aussi pour leur qualité. Il serait intéressant de caractériser ces différences de fibres d’un point de vue variétal, technologique et scientifique; et bien sur reproduire et sauvegarder ces cocotiers à fibre lisse.
A Raitea, en Octobre 2019, M. William Tautu des Services de l'Agriculture nous a signalé l'existence d'un cocotier Nape qui venait d'être abattu moins de six mois auparavant. En fouillant au pied de cet arbre, nous avons pu retrouver plusieurs énormes semences germées qui seront replantées probablement au domaine Boubée, que le territoire vient d'acquérir derrière Uturoa. 
M. William Tautu a aussi signalé l'existence d'une plantation réalisée par son Grand père maternel Teamo Aiho avec du matériel sélectionné (noix à bourre fines). La plantation se situe sur l'île de Tahaa, district de Haamene, sur le coté droit de la baie lorsque l'on est à terre.

31. Grand Moro Ati à fruits séchant sur l'arbre

Par R. Bourdeix, 2009 et 2019.

Il n'est pas encore bien établi si cette caractéristique est la marque d'une  ancienne variété qui se serait diluée dans la masse des cocotiers à coprah, ou une sous-population variétale, ou une simple mutation rare. En tout cas on retrouve cette dénomination de Moro Ati depuis Raiatea jusqu'au Marquises. Même lorsqu'elles sont matures, la plupart des noix de coco ne tombent pas de l'arbre et restent attachées aux épillets pendant au moins un mois après la date ou elle auraient du tomber. Il s'ensuit une déshydratation. Souvent l'amande sèche naturellement jusqu'à devenir une sorte de coprah de grande qualité, très parfumé et délicieux à manger, et détaché de la coque. Lorsque que l'on secoue ce genre de fruits, au lieu d'entendre un clapotement, on entend le bruit des coups provenant du choc de la sphère d'amande sur les parois de la coque.

Nous avons filmé le Moro Ati aux Marquises dans la video ci-dessous.