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01. Nain Rouge Compact Maria Moorea

Par R. Bourdeix et T. Oopa, 2014

Ce Nain Rouge Compact est nommé du nom d’une ancienne locataire nommée Maria, qui louait la maison et le jardin dans lequel il a été observé pour la première fois sur l’île de Moorea. A notre connaissance, il n'existe qu'en Polynésie française. Il n’est pour l’instant pas référencé dans la base de données du réseau COGENT, et n’est conservé dans aucune collection. Aucune information sur son origine n’est connue.

Conservation et diffusion

Il s’agit d’une variété extrêmement rare. En 2006, nous avions identifiés trois arbres de cette variété, seul un restait en place en 2019. Sur notre conseil, Mme Hinano Murphy en avait planté quelques-uns, elle s’est fait voler les plants puis le seul cocotier qui lui restait a été emporté par les inondations de 2018.
La variété est particulièrement intéressante car elle a une très faible croissance en hauteur, de l’ordre de dix centimètres par an. Elle est de petite taille avec des fruits plutôt ronds, dont l'eau est très agréable à boire et qui présentent en outre deux caractéristiques favorables pour la production de semences : ils sont de couleur rouge et, au jeune âge, ils présentent une coloration rose interne qui se retrouve aussi au centre des grosses racines émises par les noix en germination. La présence simultanée de deux marqueurs en pépinière – germe rouge et couleur rose à l’intérieur des racines – rend facile la reproduction fidèle au type de cette variété. En 2019, l’arbre était peu chargé mais plus de cinquante fruits, germés ou non germés, se trouvaient à sa base. L’observation de la couleur des germes indique que le cocotier s’autoféconde à environ 70%.

Cette variété devrait donner d’excellents hybrides avec par exemple des Grands de couleur verte produisant de gros fruits à bourre fine et amande épaisse. Nous conseillons de la planter directement dans des champs semenciers, en mélange avec d’autres variétés vertes et rouges. Si l’on plante cette variété dans un champ semencier avec une variété verte, toutes les semences germant rouge et ayant une couleur rose à l’intérieur des racines seront le Nain Rouge Compact ; toutes les semences germant verte seront la variété verte ; et toutes les semences germant brun seront hybrides, résultat du croisement des deux variétés. Si la variété verte est bien choisie, ces hybrides produiront 50 à 100% de plus que leurs deux parents Nain Compact et Grands.


Origine et histoire

Les variétés de Nains Compacts étaient déjà connues dans les années 1850, à Fidji, aux Tonga et à Samoa. En 1926, à Fidji, un agronome du nom de Maréchal réalisa le premier croisement entre cocotiers, en croisant le Nain Compact Niu Leka avec le Nain Rouge Malais. Nous nous ne savons pas si les étonnantes variétés Nains Compacts rouges et jaunes que l'on trouve actuellement dans les jardins du Pacifique sont des variétés traditionnelles existant depuis des siècles, ou des descendants de l'hybride créé par Marechal, puis sélectionnés pendant près d’un siècle par des centaines de jardiniers et d’agriculteurs.
Comment l’identifier ?
Il s’agit d’un nain compact de petite taille. Son stipe (tronc) présente un bulbe basal et une croissance en hauteur très lente. Le stipe fait 125 cm de diamètre à la base (20 cm du sol) et 72 cm de diamètre à un mètre du sol. Les feuilles, courtes et rigides, présentent des folioles larges. Les fruits sont ronds et d’une couleur orangée soutenue. Lorsqu’ils sont jeunes, ils présentent une coloration rose interne qui se retrouve aussi au centre des grosses racines émises par les noix en germination. 

Production et rendement

Plantée dans de bonnes conditions, cette variété pourra produire au moins cent fruits par arbre et par an. La taille des fruits semble varier selon le nombre de fruits produits, et leur poids moyen devrait osciller entre 700 et 1200g. La noix pèse de 500 à 800g. Dans les jeunes fruits, la quantité d’eau varie d’environ 300 à 500 ml et elle est très agréable au goût. Les fruits sont plus gros au jeune âge et lorsque les conditions sont favorables. Ce nain entre en production vers quatre ans.

Références

Marechal, H. (1928). Observation and preliminary experiments on the coconut palm with a view to developing improved seed for Fiji. Fiji Agricultural Journal, 1, 16-45.
Harries, H. C. (1978). The evolution, dissemination and classification of Cocos nucifera L. The botanical review, 44(3), 265-319.
Rabone, S. (1845). A vocabulary of the Tongan Language, arranged in alphabetical order: to which is annexed a list of idiomatic Phrases, Vava'u. 1856.
Pratt, G. (1862). A Samoan dictionary: English and Samoan, and Samoan and English; with a short grammar of the Samoan dialect. London Missionary Society's Press.








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Il s'agit de la variété la plus précieuse et la plus rare, dont il faudrait organiser en priorité la sauvegarde. En 2006, nous avions identifié seulement deux pieds à Moorea, qui seraient originaires d'un cocotier de Raiatea que nous n'avons pas encore pu observer. L'information nous a été fournie par Mme Maria Tautu, à Moorea, non loin du port. En 2019, il n'en reste qu'un. La variété se distingue des autres Nains Compacts Rouges par la présence de la couleur Rose interne à l'intérieur des jeunes fruits. La couleur rouge de l'épiderme et la couleur rose interne sont des marqueurs qui, en pépinière, peuvent grandement faciliter la production d'hybrides dans des champs semencier.

Les fruits sont ronds, gros pour un nain, mais leur taille peut se réduire dans le cas d'un arbre qui produit beaucoup et qui est soumis à une certaines sécheresse. Nous avons vu cet arbre deux fois, une fois en 2006 et l'autre en 2019 en fin de saison sèche, et les fruits étaient plus gros la première fois. Jointes à la bonne structure des fruits et à très faible croissance en hauteur, cette variété apparaît particulièrement intéressante pour servir de parent femelle dans des champs semencier et tester de nouveaux hybrides.

La fiche complète.

Les noix de coco ont des yeux ronds sans orbite marquée et une petite "bouche".

L'un des deux nains rouges de Moorea

Nain Rouge Compact de Moorea

36. Les cocotiers médicinaux dits "oviri" ou "ereere"

Par R. Bourdeix et H Montaron, 2016

En Polynésie, les utilisations du cocotier dans la médecine traditionnelle sont nombreuses, soit en tant que principe actif, soit en tant qu'ingrédient. L'huile, le lait ou l'eau de coco sont alors mélangés à d'autres substances actives.
Pour le cocotier, ces variétés principalement utilisées en médecine traditionnelles sont nommées oviri (sauvage) ou ereere (noir).
Nous avons tout d'abord recherché des informations dans la littérature ancienne. La première description des variétés est sans doute celle du livre « Tahiti au temps anciens » de Teuira Henry, publié en 1848. Ce livre cite 16 types de cocotiers, dont celui nommé oviri, qui se caractérise par un pédoncule (attache du régime) et rachis (nervure principale de la feuille) de couleur vert foncé, et des noix vertes. En 1860 le pharmacien Gilbert Cuzent décrit la variété oviri comme produisant des "fruits noirâtres" mais  n'indique pas de propriétés médicinales. D'autres inventaires des variétés de cocotier ont été réalisés par C. Henry en 1920, par F. B. H Brown en 1931 (pour les Marquises seulement) par R. Millaud en 1954 et par P. Pétard en 1972. C. Henry ne parle pas du cocotier médicinal; Brown se contente de citer une cinquantaine de noms de variétés marquisiennes, sans préciser pour la plupart en quoi elles diffèrent et sans parler de cocotier médicinal. Décrivant le cocotier oviri, Millaud et Pétard parlent simplement de cocotiers à fruits verts; Millaud décrit essentiellement les cocotiers dans les plantations réalisées pour le coprah, là ou les variétés traditionnelles sont mélangées depuis bien longtemps. Paul Pétard écrit que, pour la médecine, c'est presque toujours la variété oviri ou ereere qui est choisie, mais que parfois on utilise aussi des variétés ura ou uteute.

Après avoir consulté la littérature, nous avons voulu observer ces fameux cocotiers médicinaux. Nous avons parcouru de nombreuses iles, certaines en Polynésie Française, d'autres à Tonga, Samoa et Cook. Le résultat de cette enquête a été surprenant. Des anciens et certaines femmes nous ont décrit oviri comme un cocotier produisant de petites noix  d'une couleur verte très sombre, tirant presque sur le gris. En revanche, en Polynésie Française, nous avons constaté que la plupart des gens dénomment actuellement "oviri" n'importe quel cocotier à noix vertes. Lorsque nous avons demandé à voir ces variétés, il nous a été présenté des cocotiers d'une couleur verte moyennement soutenue, et présentant des fruits très variés selon les arbres, fruits ronds, pointus ou ovales, en fait presque toutes les formes existant dans la cocoteraie.
Certains habitants du Fenua ont même affirmé que l'on peut se soigner tout aussi efficacement avec les noix de n'importe quelle variété de cocotier, à condition de descendre manuellement ces noix des arbres sans jamais les jeter à terre. Il est clair qu'en Polynésie, la façon dont on récolte les plantes revêt une grande importance. Mais cela signifie t-il pour autant que toute les variétés de cocotier sont interchangeables?

Alors, cocotiers médicinaux: mythe ou réalité ?

Cocotier médicinal observé à Tonga en 2002
Il se trouve que nous avons aussi étudié ces cocotiers à Tonga. Dans l'île de Tongatapu, nous avons eu la chance d'observer et de photographier le Niu Matakula  un cocotier médicinal très particulier dont certaines caractéristiques correspondent à celles décrites dans les anciens livres. Les photographies de ce cocotier sont reproduites ci-contre. Les noix sont petites, ovales, d'un sombre vert grisâtre très particulier; une partie de l'enveloppe de la noix (bourre) est rouge à l'intérieur. Ce cocotier se féconde parfois lui même ce qui explique qu'il puisse se maintenir en partie, sans se mélanger complètement aux autres variétés.

La tradition polynésienne mentionne un cocotier médicinal qui serait en partie à l’origine du nom de l’île de Niue. Cette île se situe à 2 400 km au nord-est de la Nouvelle-Zélande, au centre d'un triangle formé par les îles Tonga, Samoa et Cook. L’île de Niue a porté successivement plusieurs noms. La tradition mentionne que l'île a été rebaptisée après que le fils d’un chef et sa cour se soient rendus au Samoa à Manu'a, la patrie de leurs ancêtres (voir le livre Haia ! publié en 2010). Là, ils ont été accueillis comme des parents et ils se sont divertis. Lorsqu’ils ont décidé de partir pour Nukututaha, le chef de Manu'a, Moa, leur a donné deux variétés de cocotier spéciales et leur a expliqué les caractéristiques de chacune de ces variétés. À l'arrivée à Nukututaha, le fils du chef a présenté ces noix de coco spéciales et a déclaré: "Ko e Niu è!" (Voici, les noix de coco!). Les semences ont été plantées. La première variété est le pulu niu, la spécialement adaptée à la fabrication de cordes utilisées dans la construction de bâtiments traditionnels et la fabrication des bateaux. L’autre variété serait un cocotier médécinal appelé Niu Tea. L’eau de cette variété, la bourre, les feuilles sont utilisés pour divers usages médicinaux ainsi que pour la boisson et la nourriture. Selon la tradition, l’île aurait été nommée Niue pour marquer l’arrivée de ces deux variétés de cocotier et honorer le souvenir du chef de Manu’a.
Les recherches que nous avons menées au Samoa ne nous ont pas permis d’y retrouver le cocotier appelé dans l’ancien temps Niu Tea. En fait, les chercheurs Samoan pensaient que ce nom désignait un cocotier Nain Rouge importé très récemment de Malaisie ! Même au Samoa, certaines traditions se perdent...

Nous pensons donc qu'il existait dans le passé, au moins une sinon plusieurs variétés de cocotiers médicinaux.  Nous ignorons si ces variétés produisent réellement des molécules spécifiques responsables d'un effet curatif. En revanche, il existait un savoir traditionnel concernant les cocotiers médicinaux;  ce savoir traditionnel s'est progressivement dilué et a été en grande partie perdu. Quelques personnes en Polynésie Française connaissent sans doute encore de vrais cocotiers médicinaux, mais nous n'avons pas encore eu le privilège de les rencontrer.
Découpe de noix pour les photographies

Il est légitime de se demander pourquoi les polynésiens appellent « sauvages » (oviri) certains cocotiers médicinaux. Une hypothèse est que cette variété existait sur des îles, voire même sur une île précise, avant que les Polynésiens viennent s’y installer avec leurs autres variétés de cocotier. Cette hypothèse est difficile a confirmer. Des éléments de réponses sortiront peut-être de l'analyse de l’ADN des cocotiers et de l’étude des traditions orales.
Dans les plantations et les villages, les cocotiers se fécondent librement. Leur pollen voyage avec le vent et les insectes. Si un cocotier oviri est planté à proximité d'autres variétés, ces cocotiers se croisent  naturellement. Ainsi, les variétés se diluent progressivement. Certaines finissent par disparaître. En revanche, si un site isolé est planté uniquement de cocotiers oviri, ceux-ci se féconderont entre eux. Toutes les semences récoltées à cet endroit redonneront des cocotiers oviri.

Que faut-il faire pour sauvegarder les cocotiers médicinaux et les remettre à la disposition de la population du Fenua ?

Il s'agit d'un long processus. Il faudra tout d'abord enquêter auprès des anciens polynésiens, dans les îles les moins touchées par la modernité, afin de retrouver au moins une vingtaine de "vrais" cocotiers médicinaux.  De l'observation de ces cocotiers, on déduira s'il faut considérer une ou plutôt deux variétés de cocotiers médicinaux.
S'il existe une seule variété de cocotier médicinal, il faudra récolter environ deux cent semences et les planter toutes dans un même site, choisi avec soin pour son isolement. Il faut qu'il n'y ait pas d'autre cocotier dans un rayon de 500 mètres autour de ce site. Ce site peut être un petit motu, une presqu'ile, ou une parcelle d'un hectare isolée dans une forêt ou dans une plantation d'autres espèces.
Les cocotiers vont mettre 6 à 8 ans avant de commencer à produire des fruits. Lorsque tous les cocotiers seront en production, il faudra les observer et éliminer ceux qui ne ressemblent pas à des cocotiers médicinaux. Tous les fils ne ressemblent pas à leur père. Il faudra probablement couper la moitié des cocotiers plantés pour ne garder que les "vrais" cocotiers médicinaux.
A partir de ce moment, la Polynésie Française disposera d'une source certifiée de semences de cocotiers médicinaux. Cette source de semences sera utile à bien des égards.  Elle permettra aux habitants du Fenua d'avoir des cocotiers médicinaux dans leurs jardins et de se soigner avec si nécessaire. Des agriculteurs ou des industriels pourront réaliser des plantations de cocotiers médicinaux et en tirer bénéfice. Le respect des traditions peut aller de pair avec la compétitivité économique. Ainsi un Monoï confectionné avec de l'huile de cocotier médicinal, selon les anciennes traditions polynésiennes, aurait un très grand succès d'un point de vue commercial.
Avant d'en arriver à cette rentabilité économique , il faudra une dizaine d'années pour constituer la source de semences, et encore une dizaine d'années pour que les agriculteurs installent les premières plantations de cocotiers médicinaux. Or il est très difficile de trouver des financements pour des projets s'étalant sur 20 ans. La plupart des bailleurs internationaux et des ministères veulent des projets qui se terminent en 4 à 5 ans. Dans le monde actuel, la tendance est de rechercher un bénéfice immédiat et rapide. Personne, ou presque personne, ne veut agir plus pour ses enfants. Et peut-être que les ancêtres polynésiens se retournent dans leur tombes en se demandant ce que sont devenus leurs précieux cocotiers médicinaux...

Ces sujets, ainsi que de nombreuses autres histoires de cocotier, seront discutés au cours de deux conférences publiques qui se tiendront le 12 Avril 2011 à 13 h à la bibliothèque du CRIOBE de Moorea, et le 13 Avril 2011 à 16h30 à l’Amphithéatre de la Chambre de Commerce à Papeete. Ces conférences sont réalisées sous l’égide du Pôle D'innovation Tahiti Fa'ahotu et du Criobe. Pour la conférence de Tahiti, une pré-inscription est requise en téléphonant au 47.27.28 ou envoyant un message électronique à l’une des adresses suivantes : daniel.r@ccism.pf ou hgueguen@tahitifaahotu.pf

Références

2010. Haia ! An Introduction to Vagahau Niue. Teacher’s guide and support materials learning languages serie. Published for the Ministry of Education by CWA New Media, Box 19090, Wellington 6149, New Zealand. ISBN 978 0 478 34123 2. 385 p.
1931. Brown FBH. Flora of southeastern Polynesia. Bishop Museum Bull 84. Honolulu. 121-127.

Autres informations:

Paul Pétard indique que "pour les diverses fumigations destinées aux parties du corps, les anciens marquisiens choisissaient deux longues noix de la variété ehi vevetahi. Dans chacune ils enlevaient le tiers supérieur, contenant les yeux, de façon qu'en disposant les deux noix l'une sur l'autre, les orifices s'ajustassent exactement..."

Extrait trouvé sur Gallica, très ancien :


« Enfin, parmi les coccidées, l'Aspidiotus vastatrix et le  Dactylopius cocotis s'attaquent aux jeunes feuilles, qu'ils  épuisent et font tomber. Il est difficile ici de recommander  les insecticides ordinaires, jus de tabac, bouillie bordelaise,  émulsion de pétrole, etc., car il s'agit de vastes plantations  d'arbres qui ont de 15 à 20 mètres de hauteur. Le seul procédé pratique est donc, peut-être, de détruire par le feu les  arbres fortement infestés. On dit que, à Tahiti, où l'Aspidiotus vastatrix a fait, il y a quelques années, de grands  dégâts, il y a une variété de cocotier (dite oviri) qui résiste  un peu mieux que les autres. »