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34. Les cocotiers Spicata ou Takaveatika, aux fruits se détachant aisément du régime

Par R. Bourdeix et J. Buillard, 2006 et 2019, à compléter

En 1931, le botaniste F.B.H. Brown décrivit les formes Spicata comme une nouvelle espèce de palmier, qu’il appela du nom alambiqué de « Diplothemium henryanum ». Heureusement, plus tard, d'autres botanistes tels que Jacob (1941) ont reclassifié le Spicata en variante de l'espèce Cocos nucifera L. C’est donc bien d’un cocotier qu’il s’agit !

Cette mutation assez rare se retrouve, à raison de quelques individus parmi des dizaines de milliers de cocotier, dans la plupart des pays producteurs. Elle touche la morphologie de l’inflorescence qui, contrairement aux cocotiers normaux, ne présente pas ou très peu d’épillets. Les fleurs sont insérées directement sur le rachis de l’inflorescence, qui prend parfois la forme d’une sorte de massue compacte.

Conservation et diffusion

Aucune variété de Spicata provenant de la région Pacifique n’est enregistrée dans la base de données du réseau COGENT, à l’exception des Nains de Papouasie. Une variété figure pourtant au catalogue variétal du réseau: à Samoa, le Grand Samoa Spicata était conservé dans la collection d’Olomanu, mais il y a une dizaine d’années le gouvernement à repris le site pour le transformer en centre d’hébergement pour jeunes délinquants.

Origine et histoire

Au Vanuatu, les agriculteurs disent apprécier les variétés Spicata car les fruits ne sont pas fixés solidement aux inflorescences. S'ils jettent une pierre ou un bâton, les fruits se séparent facilement du régime et tombent.

A Samoa en 1972, le botaniste Parham a décrit le Spicata comme suit: «Palmier, 10-15 m de haut; feuilles pennées, arête glauque dessous pâle; spadice simple, épineux, 100 cm de long, spathes 2; seulement des fleurs femelles vues". Lui aussi s’est trompé !

Parmi les nombreuses fleurs femelles insérées directement sur le rachis, ainsi qu’à l’extrémité de l’inflorescence, des fleur mâles sont toujours présentes. Il y a deux fleurs mâles adventices, qui existent d’ailleurs aussi chez les cocotiers normaux, cachées à la base de chaque fleur femelle.

Comment l’identifier ?

Outre la morphologie particulière de leurs inflorescences, les cocotiers de type spicata produisent souvent des fruits qui se terminent en pointe.

Production et rendement

En Polynésie française, la taille et la morphologie des fruits sont assez variables, comme le montre la photo de la planche variétale. En moyenne, même s’il existe des cocotiers Spicata bien chargés, le nombre de fruits produits semble légèrement inférieur à celui des cocotiers normaux situés à proximité. A Samoa, bien que la collecte des données sur le rendement ait débuté en 1998, aucune donnée n'a été conservées et diffusée enregistrée dans les bases du COGENT.

Les cocotiers de type Spicata ont captivé plusieurs générations de chercheurs. De nombreux pays produisent des hybrides dans des champ semenciers qui nécessitent l’émasculation des inflorescences de l’une des deux variétés parentales. Ces émasculations demandent une main-d’œuvre importante et alourdissent le coût final des semences. La possibilité de trouver des lignées mâle-stérile, en d’autres termes des cocotiers uniquement femelles, permettrait d’éviter de réaliser ces émasculations.


 Les cocotiers Spicata, dont les inflorescences contiennent moins de fleurs mâles, ont été initialement considérés comme un moyen de réduire le coût des émasculations dans les champs semenciers. Mais les rares fleurs mâles adventices sont cachées sous les fleurs femelles, souvent nombreuses et serrées les unes contre les autres. En fait, pour enlever toutes les fleurs mâles, le seul moyen est de couper et d'enlever environ un tiers de toutes les fleurs femelles disponibles. Cette tâche s’avère plus difficile que l'émasculation d'une inflorescence normale de cocotier.

Références

Brown FBH. 1931. Flora of Southeastern Polynesia. I. Monocotyledons. Bernice P. Bishop Museum Bulletin 84.

Jacob KC. 1941. A new variety of coconut palm (Cocos nucifera L.) var. Spicata (KC Jacob). J. Bombay Nat. Hist. Soc 41:906-907.

Parham BEV. 1972. Plants of Samoa. New Zealand Department of Scientific and Industrial Research Information Series No.85, Wellington. New Zealand.


Vue d’un magnifique Nain Abricot Spicata à tronc fin, photographié à Madang en Papouasie Nouvelle Guinée, dans la collection Internationale de Cocotier pour la Région Pacifique. Une variété similaire – ou encore plus belle - pourrait être crée en Polynésie française par un jardinier inspiré en utilisant la méthode suivante : 1) apporter du pollen ou des fleurs mâles de Grand Spicata sur un ou plusieurs parmi les Nains Compacts Rouges ou Abricot décrits dans ce catalogue ; 2) récolter les semences et planter quatre à cinq cocotiers à proximité les uns des autres. Ces cocotiers produiront des fruits de couleur brune et ne seront ni Nains, ni Spicata. 3) Quand ces cocotiers produiront, mettre à germer 200 à 300 semences. 4) ne planter qu’une trentaine de celles dont le petit germe est de couleur abricot ou rouge, et dont les feuilles prennent l’aspect typique de celles des Nains Compacts. Parmi cette descendance, on trouvera un ou plusieurs Nain Compact Spicata à fruits de couleur abricot ou rouge.

 © R. Bourdeix, 2018.




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Les deux photos ci-dessous ont été réalisées en 2006 lors d'une visite de terrain sur Raiatea  avec Mme Tairana Pinson, qui était à l'époque la responsable du cocotier au Service du Développement Rural de Polynésie Française. Nous en avons aussi observé trois à l'entrée du village de Fakarava dans les Tuamotu, ou le nom local de Takaveatika a été enregistré.
A Tahiti, un planteur du district de Hitia aurait planté plus de deux cent cocotiers de ce type dans les années 1950. Nous avons tenté, pour l'instant sans succès, de retrouver la famille de ce planteur et sa plantation. Personne jusqu'à présent n'a pu nous renseigner.







Les photos suivantes on été réalisées en 2019 à Tahaa (-16.631740, -151.463553) avec Joel Buillard du Services de l'Agriculture.






Il existe un poster en anglais qui pourrait être modifié pour intégrer des images de Polynésie Française et traduit en Français dans le cadre du projet PROTEGE.


Les botanistes et scientifiques se sont particulièrement intéressés à cette forme particulière de cocotier du fait de ses inflorescences, qui sont différentes de celles des cocotiers normaux. Ces inflorescences n’ont pratiquement pas d’épillets (ramifications de l'inflorescences). Les fleurs femelles, gros globules de deux à trois centimètres de diamêtre, ne sont pas situées sur les épillets, comme chez les cocotiers ordinaires, mais plutôt directement sur l'axe de l'inflorescence. A l'ouverture cette dernière présente une forme de longue massue très caractéristique.
Du fait de l’absence presque totale d'épillets, ces inflorescences présentent un nombre de fleurs mâles très inférieur à celle d'une inflorescence ordinaire de cocotier. En revanche, ces fleurs mâles existe bien. Certaines d'entre elles, axillaires aux fleurs femelles, sont coincées entre les nombreuses fleurs femelles et inaccessibles. Certains scientifiques ont pensé que cette variété pourrait être intéressante dans le cadre de la production de semences pour laquelle il faut réaliser des émasculations. Ils tablaient sur le faible nombre de fleurs mâles et pensait que les opérations d'émasculation seraient facilitées. En fait, comme certaines fleurs mâles sont cachées entre les fleurs femelles souvent serrées, il est pratiquement impossible de réaliser l'émasculation sans détruire aussi une grande quantité de fleur femelles.
Les populations locales se sont intéressées aux variétés spicata, pour une raison plus pratique : les  fruits se détachent  plus facilement du régime.