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Biologie de la reproduction du cocotier

Mode de reproduction du cocotier
Chaque cocotier est bisexué et produit des inflorescences comprenant à la fois des fleurs femelles et des fleurs mâles. Il peut donc se féconder lui-même ; la plupart des cocotiers Nains se reproduisent d’ailleurs de cette façon. Chez les cocotiers Grands, les mécanismes de la fécondation sont plus complexes. Pour les décrire, il faut commencer par deux définitions : la phase femelle d'une inflorescence correspond à la période pendant laquelle les fleurs femelles sont réceptives ; la phase mâle commence dès l'ouverture de l'inflorescence et s'achève à la chute de la dernière fleur mâle. Chez certaines variétés, toutes les fleurs mâles mûrissent et tombent avant que les fleurs femelles ne soient réceptives. Dans ce cas, la fécondation est croisée : elle fait nécessairement intervenir deux parents différents. Mais un autre phénomène complique encore ce mécanisme. Il existe aussi des possibilités de fécondation entre les deux inflorescences successives d'un même arbre. La phase femelle d'une inflorescence donnée peut coïncider partiellement avec la phase mâle de l'inflorescence suivante. Le cocotier est donc une espèce où coexistent différents modes de reproduction. 

Un "trésor national" délaissé et menacé de disparition

Variétés présentes sur l'attol de Tetiaroa
Les variétés polynésiennes traditionelles de cocotiers constituent un « trésor national » fortement menacé de disparition.
Depuis les années 1980, des variétés hybrides de cocotiers sont plantées un peu partout dans le monde. Certains de ces hybrides, très productifs, ont été appréciés par les planteurs. En revanche, leur utilisation intensive menace de disparition les variétés traditionnelles de cocotier. Cette problématique est la même pour toutes les plantes cultivées : bien sur, il faut bien sur utiliser les variétés améliorées qui augmentent le rendement et rentabilisent l’exploitation agricole ; mais cette utilisation doit s’accompagner d’un programme de référencement et de conservation des variétés traditionnelles. En effet ces dernières recèlent des « trésors cachés » qu’il faut absolument conserver pour l’avenir : résistance à des maladies, à la sécheresse, ou encore adaptation à des usages particuliers, propriétés médicinales…
Le jaunissement mortel: une menace pour la région Pacifique
Une grave menace pèse sur la culture du cocotier dans le monde. Cette image vient du Ghana, un pays d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’une cocoteraie attaquée par le jaunissement mortel, maladie due à un mycoplasme, organisme intermédiaire entre virus et bactérie. Cette maladie fait des ravages non seulement en Afrique, mais dans les Antilles et en Amérique. En l’espace de six mois, elle transforme une cocoteraie saine en champ de poteau télégraphique. Au Ghana, un cocotier Grand originaire du Vanuatu et et un cocotier Nain vert du Sri Lanka sont les seules variétés qui résistent à cette maladie. C’est un excellent exemple de collaboration internationale. Il montre comment une variété de la région Pacifique peut être extrêmement utile loin de sa zone d’origine. Heureusement, cette maladie n’existe pas encore en Polynésie Française. Dans le monde, les dégats causés par la maladie du Jaunissement mortel se chiffrent à plusieurs millions de dollars par an ; la solution viendra en partie des variétés traditionelles qui tolérent la maladie. Et si, au Vanuatu et au Sri Lanka, nous n’avions pas conservé ces variétés?
Coco à corne de Tetiaroa
L’importance du cocotier ne se limite pas au seul secteur agricole. Pour l’environnement, la culture et le tourisme, le cocotier fait partie intégrante du mythe et de l’identité de la Polynésie. Dans un contexte de concurrence exacerbée avec les autres destinations touristiques émergentes du Sud, il importe de se démarquer de l’uniformisation croissante des offres. L’image « cocotier, plage et sable blanc » ne suffit plus. Si les cocotiers sont présents dans les paysages polynésiens, leur potentiel culturel reste insuffisamment exploité. Les cocotiers sont actuellement cantonnés à un rôle d'ambiance végétale, alors qu'ils devraient « raconter des histoires » et mieux illustrer les spécificités culturelles polynésiennes. Aux Seychelles, par exemple, des milliers de touristes se déplacent pour aller voir les célèbres « coco fesse ». Pourquoi en Polynésie, les touristes n’iraient ils pas voir les tout aussi surprenants « cocos à corne » qui existent dans les Tuamotu et à Tetiaroa ?
Actuellement, tout le monde en Polynésie se focalise sur le coprah, qui a encore une importance économique. Pourtant il ne faudrait pas que ce cocotier « industriel et capitaliste », qui dure seulement depuis 120 ans, fasse oublier le cocotier culturel, polynésien et traditionel, dont certaines variétés ont été patiemment sélectionnées pendant 1000 à 2000 ans par les anciens polynésiens. En fait, de 1800 à 1930, le nombre de cocotier en Polynésie Française a été multiplié par 40 ou 50. Les gens ont planté absolument partout des cocotiers à coprah, au détriment de la biodiversité et de la végétation endémique. Les variétés traditionelles de cocotier se sont alors diluées dans la masse énorme des cocotiers ne servant que pour le coprah. Certaines variétés ont déjà disparu, d’autres sont menacées de disparition.
Depuis 2006, nous essayons de convaincre la Polynésie Française d’organiser un conservatoire des variétés traditionnelles de cocotier. Il faudrait aux scientifiques environ quatre années de travail pour retrouver les anciennes variétés polynésiennes de cocotier, les décrire, les reproduire et organiser de façon rationnelle leur conservation.

Avancées récentes du projet Polymotu

Le concept Polymotu consiste à utiliser l’isolement géographique de certains sites privilégiés pour conserver et reproduire des variétés de plantes et d’arbres, voire des espèces animales. Au cours des années 2010 et 2011, le concept Polymotu s'est developpé et enrichi. Ces évolutions récentes, qui ouvrent de nouvelles perspectives, se déclinent en quatre principaux points :
1) La possibilité de planter plusieurs variétés de cocotier sur un seul site de conservation. Des semences de ces variétés et leurs hybrides peuvent être produites sur le même site par pollinisation naturelle. La distinction entre semences s’opère en pépinière grâce à des marqueurs phénotypiques comme la couleur du germe. Ceci révolutionne la politique de production de semences. Par exemple en Polynésie Française un seul hybride, d’ailleurs mal accepté, est vulgarisé. L’implémentation de Polymotu permettra la production délocalisée d’une vingtaine d’hybrides en sus des variétés conservées. L’appropriation de ces hybrides par les communautés locales sera facilitée par le voisinage des sites de conservation.
2) Le projet focalise moins sur les îles et s’intègre dans une politique de gestion multifonctionnelle du territoire. Les différents acteurs, tant publics que privés, plantent des cocotiers en permanence ; ces plantations peuvent être orientées afin de mieux prendre en compte la diversité de l’espèce et les critères d’isolation requis pour la conservation. Des sites de conservation très divers sont envisageables : ilots publics ou privés, mais aussi parcs publics et monuments, jardins d’hôtels ou de lieux publics, golfs, plantations d’autres cultures pérennes, fonds de petites vallées. Même certains petits villages dans leur globalité peuvent server de site de conservation si les habitants s’accordent à ne planter qu’un portefeuille variétal précis.
3) Le projet prévoit d’intégrer la diversité variétale dans le tissu culturel. Par exemple, en Polynésie Française, les grandes fêtes incluent déjà des aspects liés aux cocotiers comme des concours de grimper, des concours de vitesse de décoquage. En revanche ces manifestations ne prennent pas en compte la diversité variétale de l’espèce. Nous proposons d’inclure des concours variétaux (par exemple : prix de la plus grosse noix, prix du meilleur Kaipoa vert, prix du meilleur cocotier médicinal). Ces concours, dotés de prix, permettront de diffuser les savoirs et d’obtenir certaines des semences nécessaires pour la plantation des sites de conservation.
4) Pour des raisons économiques et techniques, le concept de Polymotu monte en puissance dans la stratégie globale de conservation du cocotier définie au niveau mondial par le Réseau International COGENT des ressources génétiques du cocotier. Le principal facteur limitant de la conservation réside de la lourdeur et le cout prohibitif des fécondations contrôlées. De nombreux pays n’ont pas les moyens de maintenir le laboratoire et le personnel nécessaires à la réalisation de ces fécondations. C’est par exemple le cas à Fidji, Samoa, Tonga, au Vietnam, etc. Pour les grandes collections internationales, les Philippines ont récemment dupliqués des accessions en pollinisation libre selon des conditions d’isolation à mon avis douteuses voire inexistantes. L’Indonésie fait de même. Le Brésil s’apprête à en faire autant, recourant d’ailleurs à du matériel conservé par une société privée plutôt qu’aux accessions déjà disponibles dans la collection étatique.
Dans les collections classiques, la durée de vie des accessions, à l'exception des variétés naines, se limite à 25 à 30 ans. A cet âge, la plupart des cocotiers atteignent 15 m de haut ou plus. Les accessions doivent être renouvelées avant que les inflorescences ne deviennent inaccessibles[1]. Le renouvellement d’une accession nécessite d’escalader environ 75 cocotier, chacun environ 15 à 20 fois[2]. La production des 200 semences nécessaires à la duplication d'une accession demande un an et demi et coûte plus de 2000 USD. Seuls les scientifiques disposant de budgets conséquents peuvent acquérir des semences dans les collections classiques. Les agriculteurs n'en ont pas les moyens.
Alternativement, les cocotiers peuvent être plantés en isolement géographique et reproductif. Les contraintes liées à la hauteur et l'âge des palmiers sont alors supprimées. Les accessions peuvent alors être conservées 75 à 100 ans. Au lieu de monter les cocotiers, les noix tombées naturellement au sol fournissent des des semences certifiées et bon marché. Les cocotiers morts peuvent être remplacés sans qu’il soit nécessaire d’abattre ceux qui restent, comme cela se produit dans les collections classiques. Le triplement de la durée de vie des accessions représente une économie considérable de temps, de main-d’œuvre et d'argent. Les semences deviennent abordables pour les agriculteurs.
En Polynésie, divers partenaires privés et public ont exprimé leur intérêt pour mettre en place des unités de conservation et de production de semences : l’association Tetiaroa conservation, le Lycée agricole de Moorea, le Jardin Botanique de Tahiti, le Service du Développement Rural de Tahaa, le Sinalei Resort à Samoa…Il reste maintenant à trouver le cadre formel pour mettre en œuvre un projet global.


[1] En fait de nombreuses accessions conservées dans de nombreux pays ont déjà dépassé une hauteur de 15 mètres dans avoir été renouvelées, ce qui pose des problèmes sérieux.
[2] En Côte d'Ivoire, les techniciens utilisent de coûteuses échelles triples qui atteignent une hauteur de 14 mètres. Dans d’autres pays, comme l'Inde ou l'Indonésie, les palmiers sont montés surtout manuellement, ce qui est risqué. Pour reproduire une accession, les pollinisations contrôlées sont mises en œuvre sur une période de 6 mois; les semences matures sont récoltés un an plus tard, également sur une période de 6 mois. L’ancienne accession est alors abattue et remplacée par la nouvelle..