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19. Nain Rouge de Malaisie

Par R. Bourdeix, 25 Novembre 2019

Très répandue au niveau mondial, cette variété est rare en Polynésie Française. En 2019, seulement deux arbres adultes à Tahiti et quatre à Moorea ont pu être observés. Sa conservation vient cependant d’être sécurisée par la Direction de l’Agriculture, qui en 2015 a a récupéré environ 200 semences des arbres situés à Moorea (-17.532373, -149.773018) pour les planter en haut du champ semencier de Raiatea.

Conservation et diffusion

Le Nain Rouge de Malaisie (MRD) est conservé dans les centres de ressources génétiques d'au moins 17 pays par 32 accessions, pour un total de plus de 7 000 palmiers. Dans de nombreuses îles de la région du Pacifique, ce nain rouge est plus fréquemment planté que son cousin jaune.

Pour la conservation de cette variété en Polynésie Française, il est suggéré de planter en isolation deux ou trois dispositifs comprenant une trentaine de Nains rouges Malais, autant de Nains Compacts Rouges (populations Maria ou Bora Bora), et une quarantaine d’une bonne variété de cocotiers Verts (Nains Compacts, ou Grand à bourre fine et amande épaisse). Les semences prélevées sur les nains rouges seront presque toujours des nains si leur   germe est rouge, et des hybrides si le germe est brun ou brun vert. Les semences prélevées sur la variété verte et germant verts seront cette même variété ; si ces semences germent brun ou brun vert, il s’agit d’hybrides : la mère est la variété verte et le père l’un des deux Nains Rouges. Une autre solution est de disséminer une trentaine de Nains Rouges Malais dans des lieux publics ou communautaires. Les cocotiers grandissent de 20 à 30 cm par an pendant les vingt premières années, puis cette croissance se réduit sans cesser.

Comment l’identifier ?

La couleur des germes, des pétioles des des feuilles, de l'inflorescence et des fruits immatures n'est pas vraiment rouge mais plutôt d’une sorte d'orange vif. Le MRD a généralement un tronc mince, d'environ 22 à 25 cm de diamètre, sans bulbe basal. Lorsque les conditions de croissance sont idéales, il peut avoir un petit bulbe (35 à 40 cm de diamètre). Ceci est visible sur la photo ovale, qui montre un palmier MRD planté sur le sol volcanique des îles Vanuatu. La canopée supérieure apparaît un peu comme des cheveux en désordre, mais ceci est beaucoup moins net que chez son cousin le Nain Jaune Malais. En raison de leur pédoncule court, les régimes du MRD sont bien soutenus par les pétioles des feuilles. Le système reproductif a été décrit comme une autogamie directe (autofécondation). Plus de 30 types de nains rouges sont référencés dans le monde entier. Certains ressemblent beaucoup au type malais: les nains rouges du Sri Lanka, les Chowgat en Inde, les Nias en Indonésie, les Chumphon en Thaïlande et même à Cuba. Les techniques d'analyse moléculaire aideront à déterminer si ces naines rouges sont identiques ou non. Certains autres nains rouges peuvent être facilement distingués du type malais. Le Nain Rouge du Cameroun porte des fruits en forme de poire de couleur orange plus pâle. Certains nains rouges de la région du Pacifique produisent des grappes avec un long pédoncule et de nombreux fruits plus petits ayant une couleur rouge-orange plus intense (comme le nain rouge de Tahiti). Les fruits d'autres nains rouges, tels que ceux de Papouasie Nouvelle Guinée, se terminent par un mamelon pointu.
Le Nain Rouge de Malaisie a fait l'objet d'une description scientifique publiée en Français dans notre livre "Cocotier, guide des variétés traditionelles et améliorées" et en Anglais dans le Catalogue mondial des variétés de cocotier.


Planche réalisée en 2019
pour la Polynésie Française

Origine et histoire

L'idée qui prévaut est que les cocotiers nains existant en Malaisie - de formes rouge, verte et jaune - ont été introduits entre 1890 et 1900 depuis l’Indonésie. Ils ont ensuite été largement disséminé, y compris dans un grand nombre d’île du Pacifique, et en particulier à Fidji, ou il est présent depuis au moins 1920. En Polynésie Française il aurait été introduit lors de la création de la station de recherches sur le cocotier de Rangiroa.

Production et rendement

Le nain rouge de Malaisie produit des fruits de taille moyenne et oblongs qui sont généralement un peu plus gros que ceux du nain jaune de Malaisie. Le poids moyen des fruits varie de 668 g (au Brésil) à 1080 g (au Vanuatu). À l'intérieur des fruits, les noix sont presque sphériques et pèsent de 443 g à 755 g. Dans des conditions moyennes, le MRD commence à fleurir 2 à 3 ans après la plantation sur le terrain et peut produire 70 à 90 fruits par palmier par an (sans irrigation). MRD est principalement un palmier d'ornement qui est planté dans des jardins. L'eau des jeunes noix est sucrée et savoureuse, mais pas aussi sucrée que celle de certains nains verts. L’amande est assez fine et donne du coprah caoutchouteux. Le MRD est sensible à la sécheresse et peut être soumis à des roulements alternés.

Autres informations

Le MRD est utilisé comme parent de nombreux hybrides de cocotiers, qui ont en général des noix un peu plus grosses que les hybrides similaires réalisés avec le Nain Jaune Malais, et sont plus résistants au phytophthora que les hybrides similaires réalisés avec le Nain Vert du Brésil. Les croisements avec les Grand Rennell (RIT) et Tagnanan (TAGT) sont parmi les hybrides les plus productifs au monde et ont été largement diffusés auprès des agriculteurs de très nombreux pays. Le Nain Rouge Malaisie constitue donc un matériel précieux dans le cadre d’un programme d’amélioration génétique ou de production de semences.

Références

Pour plus d’information et d’images, voir:

De Nucé de Lamothe M, Rognon F. 1977. Les cocotiers nains à Port Bouët (Côte d’Ivoire). I. Nain Jaune Ghana, Nain Rouge Malaisie, Nain Vert Guinée Equatoriale et Nain Rouge Cameroun. Oléagineux 32:367- 375. Oléagineux 32:367- 375.
Romney DH. 1980. Agronomic performance of “Malayan Dwarf» coconut in Jamaica. Oléagineux 35:551-554.
Nain Rouge de Malaisie
décrit à partir de la collection de Côte d'Ivoire
 (Afrique de l'Ouest)

36. Les cocotiers médicinaux dits "oviri" ou "ereere"

Par R. Bourdeix et H Montaron, 2016

En Polynésie, les utilisations du cocotier dans la médecine traditionnelle sont nombreuses, soit en tant que principe actif, soit en tant qu'ingrédient. L'huile, le lait ou l'eau de coco sont alors mélangés à d'autres substances actives.
Pour le cocotier, ces variétés principalement utilisées en médecine traditionnelles sont nommées oviri (sauvage) ou ereere (noir).
Nous avons tout d'abord recherché des informations dans la littérature ancienne. La première description des variétés est sans doute celle du livre « Tahiti au temps anciens » de Teuira Henry, publié en 1848. Ce livre cite 16 types de cocotiers, dont celui nommé oviri, qui se caractérise par un pédoncule (attache du régime) et rachis (nervure principale de la feuille) de couleur vert foncé, et des noix vertes. En 1860 le pharmacien Gilbert Cuzent décrit la variété oviri comme produisant des "fruits noirâtres" mais  n'indique pas de propriétés médicinales. D'autres inventaires des variétés de cocotier ont été réalisés par C. Henry en 1920, par F. B. H Brown en 1931 (pour les Marquises seulement) par R. Millaud en 1954 et par P. Pétard en 1972. C. Henry ne parle pas du cocotier médicinal; Brown se contente de citer une cinquantaine de noms de variétés marquisiennes, sans préciser pour la plupart en quoi elles diffèrent et sans parler de cocotier médicinal. Décrivant le cocotier oviri, Millaud et Pétard parlent simplement de cocotiers à fruits verts; Millaud décrit essentiellement les cocotiers dans les plantations réalisées pour le coprah, là ou les variétés traditionnelles sont mélangées depuis bien longtemps. Paul Pétard écrit que, pour la médecine, c'est presque toujours la variété oviri ou ereere qui est choisie, mais que parfois on utilise aussi des variétés ura ou uteute.

Après avoir consulté la littérature, nous avons voulu observer ces fameux cocotiers médicinaux. Nous avons parcouru de nombreuses iles, certaines en Polynésie Française, d'autres à Tonga, Samoa et Cook. Le résultat de cette enquête a été surprenant. Des anciens et certaines femmes nous ont décrit oviri comme un cocotier produisant de petites noix  d'une couleur verte très sombre, tirant presque sur le gris. En revanche, en Polynésie Française, nous avons constaté que la plupart des gens dénomment actuellement "oviri" n'importe quel cocotier à noix vertes. Lorsque nous avons demandé à voir ces variétés, il nous a été présenté des cocotiers d'une couleur verte moyennement soutenue, et présentant des fruits très variés selon les arbres, fruits ronds, pointus ou ovales, en fait presque toutes les formes existant dans la cocoteraie.
Certains habitants du Fenua ont même affirmé que l'on peut se soigner tout aussi efficacement avec les noix de n'importe quelle variété de cocotier, à condition de descendre manuellement ces noix des arbres sans jamais les jeter à terre. Il est clair qu'en Polynésie, la façon dont on récolte les plantes revêt une grande importance. Mais cela signifie t-il pour autant que toute les variétés de cocotier sont interchangeables?

Alors, cocotiers médicinaux: mythe ou réalité ?

Cocotier médicinal observé à Tonga en 2002
Il se trouve que nous avons aussi étudié ces cocotiers à Tonga. Dans l'île de Tongatapu, nous avons eu la chance d'observer et de photographier le Niu Matakula  un cocotier médicinal très particulier dont certaines caractéristiques correspondent à celles décrites dans les anciens livres. Les photographies de ce cocotier sont reproduites ci-contre. Les noix sont petites, ovales, d'un sombre vert grisâtre très particulier; une partie de l'enveloppe de la noix (bourre) est rouge à l'intérieur. Ce cocotier se féconde parfois lui même ce qui explique qu'il puisse se maintenir en partie, sans se mélanger complètement aux autres variétés.

La tradition polynésienne mentionne un cocotier médicinal qui serait en partie à l’origine du nom de l’île de Niue. Cette île se situe à 2 400 km au nord-est de la Nouvelle-Zélande, au centre d'un triangle formé par les îles Tonga, Samoa et Cook. L’île de Niue a porté successivement plusieurs noms. La tradition mentionne que l'île a été rebaptisée après que le fils d’un chef et sa cour se soient rendus au Samoa à Manu'a, la patrie de leurs ancêtres (voir le livre Haia ! publié en 2010). Là, ils ont été accueillis comme des parents et ils se sont divertis. Lorsqu’ils ont décidé de partir pour Nukututaha, le chef de Manu'a, Moa, leur a donné deux variétés de cocotier spéciales et leur a expliqué les caractéristiques de chacune de ces variétés. À l'arrivée à Nukututaha, le fils du chef a présenté ces noix de coco spéciales et a déclaré: "Ko e Niu è!" (Voici, les noix de coco!). Les semences ont été plantées. La première variété est le pulu niu, la spécialement adaptée à la fabrication de cordes utilisées dans la construction de bâtiments traditionnels et la fabrication des bateaux. L’autre variété serait un cocotier médécinal appelé Niu Tea. L’eau de cette variété, la bourre, les feuilles sont utilisés pour divers usages médicinaux ainsi que pour la boisson et la nourriture. Selon la tradition, l’île aurait été nommée Niue pour marquer l’arrivée de ces deux variétés de cocotier et honorer le souvenir du chef de Manu’a.
Les recherches que nous avons menées au Samoa ne nous ont pas permis d’y retrouver le cocotier appelé dans l’ancien temps Niu Tea. En fait, les chercheurs Samoan pensaient que ce nom désignait un cocotier Nain Rouge importé très récemment de Malaisie ! Même au Samoa, certaines traditions se perdent...

Nous pensons donc qu'il existait dans le passé, au moins une sinon plusieurs variétés de cocotiers médicinaux.  Nous ignorons si ces variétés produisent réellement des molécules spécifiques responsables d'un effet curatif. En revanche, il existait un savoir traditionnel concernant les cocotiers médicinaux;  ce savoir traditionnel s'est progressivement dilué et a été en grande partie perdu. Quelques personnes en Polynésie Française connaissent sans doute encore de vrais cocotiers médicinaux, mais nous n'avons pas encore eu le privilège de les rencontrer.
Découpe de noix pour les photographies

Il est légitime de se demander pourquoi les polynésiens appellent « sauvages » (oviri) certains cocotiers médicinaux. Une hypothèse est que cette variété existait sur des îles, voire même sur une île précise, avant que les Polynésiens viennent s’y installer avec leurs autres variétés de cocotier. Cette hypothèse est difficile a confirmer. Des éléments de réponses sortiront peut-être de l'analyse de l’ADN des cocotiers et de l’étude des traditions orales.
Dans les plantations et les villages, les cocotiers se fécondent librement. Leur pollen voyage avec le vent et les insectes. Si un cocotier oviri est planté à proximité d'autres variétés, ces cocotiers se croisent  naturellement. Ainsi, les variétés se diluent progressivement. Certaines finissent par disparaître. En revanche, si un site isolé est planté uniquement de cocotiers oviri, ceux-ci se féconderont entre eux. Toutes les semences récoltées à cet endroit redonneront des cocotiers oviri.

Que faut-il faire pour sauvegarder les cocotiers médicinaux et les remettre à la disposition de la population du Fenua ?

Il s'agit d'un long processus. Il faudra tout d'abord enquêter auprès des anciens polynésiens, dans les îles les moins touchées par la modernité, afin de retrouver au moins une vingtaine de "vrais" cocotiers médicinaux.  De l'observation de ces cocotiers, on déduira s'il faut considérer une ou plutôt deux variétés de cocotiers médicinaux.
S'il existe une seule variété de cocotier médicinal, il faudra récolter environ deux cent semences et les planter toutes dans un même site, choisi avec soin pour son isolement. Il faut qu'il n'y ait pas d'autre cocotier dans un rayon de 500 mètres autour de ce site. Ce site peut être un petit motu, une presqu'ile, ou une parcelle d'un hectare isolée dans une forêt ou dans une plantation d'autres espèces.
Les cocotiers vont mettre 6 à 8 ans avant de commencer à produire des fruits. Lorsque tous les cocotiers seront en production, il faudra les observer et éliminer ceux qui ne ressemblent pas à des cocotiers médicinaux. Tous les fils ne ressemblent pas à leur père. Il faudra probablement couper la moitié des cocotiers plantés pour ne garder que les "vrais" cocotiers médicinaux.
A partir de ce moment, la Polynésie Française disposera d'une source certifiée de semences de cocotiers médicinaux. Cette source de semences sera utile à bien des égards.  Elle permettra aux habitants du Fenua d'avoir des cocotiers médicinaux dans leurs jardins et de se soigner avec si nécessaire. Des agriculteurs ou des industriels pourront réaliser des plantations de cocotiers médicinaux et en tirer bénéfice. Le respect des traditions peut aller de pair avec la compétitivité économique. Ainsi un Monoï confectionné avec de l'huile de cocotier médicinal, selon les anciennes traditions polynésiennes, aurait un très grand succès d'un point de vue commercial.
Avant d'en arriver à cette rentabilité économique , il faudra une dizaine d'années pour constituer la source de semences, et encore une dizaine d'années pour que les agriculteurs installent les premières plantations de cocotiers médicinaux. Or il est très difficile de trouver des financements pour des projets s'étalant sur 20 ans. La plupart des bailleurs internationaux et des ministères veulent des projets qui se terminent en 4 à 5 ans. Dans le monde actuel, la tendance est de rechercher un bénéfice immédiat et rapide. Personne, ou presque personne, ne veut agir plus pour ses enfants. Et peut-être que les ancêtres polynésiens se retournent dans leur tombes en se demandant ce que sont devenus leurs précieux cocotiers médicinaux...

Ces sujets, ainsi que de nombreuses autres histoires de cocotier, seront discutés au cours de deux conférences publiques qui se tiendront le 12 Avril 2011 à 13 h à la bibliothèque du CRIOBE de Moorea, et le 13 Avril 2011 à 16h30 à l’Amphithéatre de la Chambre de Commerce à Papeete. Ces conférences sont réalisées sous l’égide du Pôle D'innovation Tahiti Fa'ahotu et du Criobe. Pour la conférence de Tahiti, une pré-inscription est requise en téléphonant au 47.27.28 ou envoyant un message électronique à l’une des adresses suivantes : daniel.r@ccism.pf ou hgueguen@tahitifaahotu.pf

Références

2010. Haia ! An Introduction to Vagahau Niue. Teacher’s guide and support materials learning languages serie. Published for the Ministry of Education by CWA New Media, Box 19090, Wellington 6149, New Zealand. ISBN 978 0 478 34123 2. 385 p.
1931. Brown FBH. Flora of southeastern Polynesia. Bishop Museum Bull 84. Honolulu. 121-127.

Autres informations:

Paul Pétard indique que "pour les diverses fumigations destinées aux parties du corps, les anciens marquisiens choisissaient deux longues noix de la variété ehi vevetahi. Dans chacune ils enlevaient le tiers supérieur, contenant les yeux, de façon qu'en disposant les deux noix l'une sur l'autre, les orifices s'ajustassent exactement..."

Extrait trouvé sur Gallica, très ancien :


« Enfin, parmi les coccidées, l'Aspidiotus vastatrix et le  Dactylopius cocotis s'attaquent aux jeunes feuilles, qu'ils  épuisent et font tomber. Il est difficile ici de recommander  les insecticides ordinaires, jus de tabac, bouillie bordelaise,  émulsion de pétrole, etc., car il s'agit de vastes plantations  d'arbres qui ont de 15 à 20 mètres de hauteur. Le seul procédé pratique est donc, peut-être, de détruire par le feu les  arbres fortement infestés. On dit que, à Tahiti, où l'Aspidiotus vastatrix a fait, il y a quelques années, de grands  dégâts, il y a une variété de cocotier (dite oviri) qui résiste  un peu mieux que les autres. »