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24. Grand Polynésie Kaipoa à jeune bourre tendre et/ou sucrée

Par R. Bourdeix, 20 Novembre 2019.

En Polynésie française, ces cocotiers sont connus sous les appellations: Kaipoa, Haipoa, Maaro, Tia Iri, Apuru ou Ahuahupuru. Leurs jeunes fruits présentent une bourre (enveloppe de la noix) comestible, tendre et parfois sucrée.

Conservation et diffusion

Il existe plusieurs anciennes variétés de ce type : la bourre des jeunes fruits (aux stades dits Ouo et Nia en tahitien) est plus ou moins tendre, plus ou moins sucrée ou plus ou moins juteuse ; les fruits sont plus ou moins gros, avec une proportion de bourre très variable. En Polynésie française, ces variétés ne sont actuellement (2021) conservée dans aucune collection et sont fortement menacées de disparition. Il est souvent difficile de récolter des semences car les jeunes fruits sont mangés par les enfants ou par les rats avant d’atteindre la maturité. Des variétés à bourre tendres collectées localement sont conservées dans les collections nationales d’Inde et du Sri Lanka.

Origine et histoire

On ignore les mécanismes génétiques, physiologiques et biochimiques responsables de la caractéristique 'Kaipoa". Les fibres de la bourre sont plus blanches et plus fines, et moins fortement collées entre elles. Dans la bourre des Kaipoa s'accumulent des sortes de particules blanchâtres et floconneuses. Très probablement c'est un enzyme responsable de la biosynthèse de l'un ou plusieurs des constituants de la bourre qui est génétiquement "déficient". On ignore s'il n'y a qu'un seul enzyme qui peut être touché, ou plusieurs; dans ce dernier cas, on pourrait avoir plusieurs phénotypes de Kaipoa provenant de mutations distinctes. L'une des premières études à mener serait d'analyser quels sucres s'accumulent anormalement dans la bourre, et quelles voies de biosynthèse sont bloquées.

Les Kaipoa sont en forte disparition; lorsque l'on arrive à trouver un arbre, dans la plupart des cas, il ne porte pas de fruit susceptible de servir de semences: les enfants s'approprient tous les fruits pour les manger avant qu'ils deviennent matures. D'un point de vue ethnologique, une enquête réalisée à Moorea en 2006 illustre parfaitement la situation. Entretien avec un cultivateur de Moorea: "Vous connaissez les Kaipoa ? - Oui - vous savez où en trouver? -Non, j'en avais un dans mon champ mais je l'ai coupé - Pourquoi l'avez vous coupé ? - En dix ans de production, je n'ai pas pu récolter un fruit, les enfants des voisins venaient tout me voler." Voici comment le fait qu'une ressource génétique rare soit trop appréciée peut conduire à sa destruction.

Autre scène, cette fois au Cook. Lors d'une mission de prospection des variétés de cocotier avec feu M ; Tiara Mataora, agent de l'agriculture, nous trouvons enfin un Kaipoa vieux de plus de 100 ans, inaccessible aux enfants. Tiara est entrain de manger un fruit et me dit: "je ne veux pas que les gens me voient manger du Kaipoa, parce qu'ils vont penser que je suis un homme pauvre". Parfois certains polynésiens ont du mal à concilier leurs traditions et la modernité.

Comment l’identifier ?

Les cocotiers de type Kaipoa prennent des formes et des tailles très diverses. En Polynésie française, la plus grande diversité de forme et de taille a pour l’instant été observé à Aratika.  Sur cet atoll, la diversité des Kaipoa est si grande qu’il est difficile de la regrouper en différents types. Sur l’ensemble des îles visitées en Polynésie française, on peut proposer un regroupement entre quatre principaux types.

1.      Des Kaipoa aux fruits d’une couleur vert-jaune, d’une forme ovale allongée, plus rarement en poire, à la noix généralement de taille moyenne, et dont la partie mangeable est bien sucrée. On les retrouve dans de nombreux atolls et îles sous le vent.

2.      Des Kaipoa aux fruits d’une forme plus ronde, plus souvent de couleur brune, et présentant une bourre relativement fine et contenant une noix assez grosse, souvent plate à la base. La partie mangeable est souvent tendre mais peu sucrée. L’amande est généralement épaisse. Un exemplaire a été observé à Taha’a, et d’autres dans les atolls des Tuamotus dont Makemo.

3.      Des Kaipoa aux gros fruits, bourre très épaisse et petite noix, de couleur variable (brun, vert clair et vert foncé). Sur les jeune fruits la partie mangeable est importante, de l’ordre de 40 à 50% du poids du fruit sans l’eau libre. Ils ont été observés à Aratika et signalés à Haraiki par M.Thomas Maifano.

4.      Enfin un unique exemplaire de Nain Compact Vert Kaipoa, très productif,  a été observé à Katiu (voir photo) mais l’analyse de ses fruits n’a pu être réalisée.

A noter que sur l’atoll d’Aratika, une très grande diversité de Kaipoa a été observée, si grande que la classification présentée ci-dessus semble insuffisante pour caractériser toute leur diversité. Cette classification semble cependant pertinente pour l’ensemble des îles de Polynésie française dans leur globalité.

Il est aussi possible de classer les Kaipoa selon le degré de tendreté et de sucre de la jeune bourre, et selon l’élasticité de l’épiderme et de la fibre. Les meilleures variétés sont celles dont la bourre est très tendre. Lorsque les fruits sont mûrs et tombés à terre, il est parfois possible d’arracher à main nue la bourre du fruit dont les fibres sont blanches. Pour l’instant, les Kaipoa à la bourre mature la plus facile à retirer ont été identifiés à Faaite, dans la plantation de M. Meo. Dans certaines plantations non baguées, il est facile d’identifier ces cocotiers Kaipoa car les rats adorent leurs fruits : on trouve à la base du cocotier de nombreux petits fruits mangés par ces rongeurs.

Production et rendement

Les cocotiers Kaipoa sont traditionnellement utilisés pour la consommation de la bourre des jeunes fruits, mais en pratique certains servent actuellement à faire du coprah et parfois du lait de coco.

Comme indiqué ci-dessus, les cocotiers Kaipoa sont très divers, et cette variabilité se répercute sur les niveaux de production. Certains arbres observés produisaient plus de 100 fruits par an, et d’autres moins de 20. La taille et la composition des fruits sont aussi très diverses. A Taha’a, les noix pesaient entre 0.7 et 1.2 kg avec une amande de 450g.

A Fakahina, l’amande pesait 285 g, plus lourde que celle de Fangatau et Rangiroa. A Makemo un Kaipoa vert a donné de gros fruits de forme longitudinale arrondie mais à section triangulaire, dont l’amande pesait de 490 à 525g.

Dans les jeunes fruits, la partie comestible de la bourre pèse généralement de 400 à 500g. Si l’on raisonne en quantité globale de bourre comestible, sur une plantation correctement entretenue et ne comprenant que des cocotier Kaipoa, on pourrait espérer récolter au minimum 27 kg par arbre et 3.8 tonnes par an. Une entreprise pourrait développer des conserves de luxe de bourre tendre de Kaipoa, préparées comme des cœurs de palmiers, avec un prix de vente d’au minimum 2 000 F.CFP par kg, soit un chiffre d’affaires de l’ordre de 7.6 millions par hectare.

Références

Un unique exemplaire de Nain Compact Kaipoa, extrêmement productif, a été observé en 2021 sur l’atoll de Katiu. © R. Bourdeix, 2021.



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En Polynésie Française, ces cocotiers sont connus sous les appellations : Kaipoa, Haipoa, Maaro, Tia Iri, Apuru ou Ahuahupuru. Ce sont des variétés les jeunes fruits présentent une bourre (enveloppe de la noix) tendre et parfois comestible et sucrée.
Il existe plusieurs anciennes variétés de ce type : la bourre des jeunes fruits (aux stades Ouo et Nia) est plus ou moins tendre, plus ou moins sucrée ou plus ou moins juteuse. Dans certaines vieilles plantations, il est facile d’identifier ces cocotiers Kaipoa car les rats adorent leur fruits : on trouve à la base du cocotier de nombreux petits fruits mangés par les rats.
Les meilleures variétés sont celles dont la bourre est très tendre ; Plus la bourre est tendre et comestible, meilleure est la variété. Nous avons observé cinq ou six arbres de ce type, dont la bourre était plus ou moins tendre et sucrée, sans pouvoir établir une classification plus précise. Lorsque les fruits sont murs et tombés à terre, il est parfois possible d’arracher à main nue la bourre du fruit dont les fibres sont blanches.

Bourre de coco normale (à gauche) et Kaipoa (à droite)
On ignore les mécanismes génétiques, physiologiques et biochimiques responsables de la caractérique 'Kaipoa". Les fibres de la bourre sont plus blanches et plus fines, et surtout moins fortement reliées entre elles  Dans la bourre des Kaipoa s'accumulent des sortes de particules blanchâtres et floconneuses. Très probablement c'est un enzyme responsable de la biosynthèse de l'un ou plusieurs des constituants de la bourre qui est génétiquement "déficient". On ignore s'il n'y a qu'un seul enzyme qui peut être touché, ou plusieurs; dans ce dernier cas, on pourrait avoir plusieurs phénéotypes de Kaipoa provenant de mutations distinctes. L'une des premières étude à mener serait d'analyser quels sucres s'accumulent anormalement dans la bourre, et quelles voies de biosynthèse sont bloquées.
Les kaipoa sont en très forte dispariton; lorsque l'on arrive à trouver un arbre, dans la plupart des cas, il ne porte pas de fruit susceptible de servir de semences: les enfants s'approprient tous les fruits pour les manger avant qu'ils deviennent matures. D'un point de vue ethnologique, une enquète réalisée à Moorea en 2006 illustre parfaitement la situation. Entretien avec un cultivateur de Moorea: "Vous connaissez les Kaipoa ? - Oui - vous savez ou en trouver? -Non, j'en avais un dans mon champ mais je l'ai coupé- Pourquoi l'avez vous coupé ? - En dix ans de production, je n'ai pas pu récolter un fruit, les enfant des voisins venaient tout me voler." Voici comment le fait qu'une ressource génétique rare soit trop appréciée peut conduire à sa destruction.
En Polynésie Française, pour l'instant deux pistes: un motu d'Aratika sur lequel il y aurait une centaine de Kaipoa et l'ancien village de Anna, pour lequel des informateurs ont indiqué que c'est là qu'il y avait les Kaipoa les plus tendres. A Aratika, des informateurs nous ont raconté qu'il y a des kaipoa que l’on plante juste pour cuire, et d’autre qu’il est interdit de cuire. On dit que si certains fruits sont cuits, ces cocotiers cessent de donner des kaipoa. 
Autre scène, cette fois au Cook. Lors d'une mission de prospection des variétés de cocotier avec Tiara Mataora, agent de l'agriculture, nous trouvons enfin un Kaipoa vieux de plus de 100 ans, innaccessible aux enfants. Tiara est entrain de manger un fruit et me dit: "je ne veux pas que les gens me voient manger du Kaipoa, parce qu'ils vont penser que je suis un homme pauvre". Parfois les polynésiens ont du mal à concilier leur traditions et la modernité.